27.6.10

l'amour me tue

Je suis dans la souffrance. Pas celle du corps, mais celle de l'intérieur, là où les mots n'existent pas. Voici l'histoire en bref. Même si celle-ci n'est pas l'objet de ce blogue.



Il y de cela presque trois ans j'ai rencontré un homme dans un meeting des Alcooliques Anonymes que je nommerai R. Entre R et moi, il y a eu cette connexion particulière, physique, que ressentent deux personnes fortement attirées l'une par l'autre. Entre R et moi, cela a toujours été très particulier. C'est un ancien bagnard qui s'en est sorti et qui est un phénomène de bonté et d'amour, qui a complètement transformé sa vie et ses valeurs en profondeur. Il n'est pas très compliqué. Il mord à pleines dents dans cette vie nouvelle qui est la sienne depuis sa sortie de prison. Je l'ai aimé tout de suite, dès que mes yeux se sont posés sur lui la première fois. Je le trouve très beau et ai toujours raffolé de son visage et de son corps. J'ai beaucoup changé à son contact. J'ai mûri, je suis plus mature, j'ai changé mes valeurs. Je suis plus dans l'acceptation de la réalité telle qu'elle est et dans l'abandon au courant de la vie, malgré tous les malgré. Je suis moins tourmentée. Je fais des choses différentes, et ma vie a changé. Je traverse mes peurs plus facilement. Sans jamais me brusquer ni me faire la morale, R m'a montré un chemin qui est un chemin de vie. Je lui en serai toujours reconnaissante.



J'ai toujours eu peur de l'amour, de l'engagement, qui signifient pour moi l'enfermement et la déception. Comme si je n'étais déjà pas habituée depuis mon plus jeune âge à m'enfermer dans ma tête, ma rationalité. C'est une prison.



J'ai toujours dit non à cet amour avec R, n'ai jamais pu complètement m'y abandonner, pour toutes sortes de raisons dont quelques unes s'apparentent à une réelle lucidité et d'autres qui prennent racine dans cette peur viscérale d'être accompagnée dans ma vie par un homme dont le parcours est si peu conventionnel, et d'autres encore qui sont de l'ordre de l'incapacité à accepter l'autre dans son intégralité, ses faiblesses, ses déficiences. Faiblesses et incapacités de l'autre qui me font réellement mal, moi, la trop sensible, l'idéaliste, la fusionnelle, qui décide que l'homme à qui elle donne son amour ne peut plus se tromper, parce qu'elle lui a livré son coeur, parce qu'elle lui a donné sa confiance, parce qu'il est dorénavant l'Homme et qu'elle ne peut pas supporter d'être déçue d'aucune façon par l'Élu de son coeur vulnérable. Sinon elle meurt, blessée, trahie, hors d'elle même.



Depuis quelques semaines, j'ai laissé partir l'oiseau, cette adorable bête, pour qu'il puisse expérimenter la vie, l'amour, la liberté en dehors de moi, si rebelle, incapable d'en faire mon conjoint. Atterrée et tellement lasse de constater que je n'arrive pas à m'engager sérieusement et dans la certitude que cet homme mérite mieux que CELA.



Depuis quelques semaines, R fréquente une femme qui, je l'ai appris mercredi, serait amoureuse de lui et remplie de gratitude envers cet homme si doux, si bon et si accueillant avec lequel elle peut être parfaitement elle-même pour la première fois de sa vie, sans masque ni rien. Elle lui a présenté ses enfants, chose que je n'ai faite qu'au bout de quelques mois de fréquentation. Elle lui a ouvert la porte de sa maison, de son coeur et de son lit. C'est moi qui ai suggéré à R de vivre sa vie d'homme, de ne pas perdre de temps, de ne pas m'attendre, de VIVRE, VIVRE, VIVRE!!!



De jour en jour, j'ai de plus en plus mal. Je suis d'humeur sombre. J'ai des plaques sur le corps et ma peau me démange. Je bouffe n'importe quoi. J'ai énormément de difficulté à me concentrer. Parfois, au milieu d'une activité, une bouffée de désespoir absolue me tétanise, me laisse pantelante et sans aucune énergie. J'ai parlé à plusieurs personnes de ce que je vis. Beaucoup ont de la compassion pour moi. À ma grande surprise même. Je suis dans un désert, je suis dans la confusion. Je ne sais pas ce que je veux, je ne l'ai jamais autant peu su avec tant d'acuité. Mes paradoxes, mes conflits intérieurs, mon incapacité à surmonter les images de R avec la femme s'embrassant, se racontant mille et une choses banales et futiles, tellement importantes dans le fond, me font hurler. Je sens les miettes de ce qui reste de mon coeur s'entrechoquer misérablement. J'ai vraiment mal.



R me dit: "Quoi que tu décides, je serai là. Si tu veux être ma femme, je suis là. Si tu veux que nous soyons des amis, je suis là. Je t'aimerai toujours, tu es ma famille, je ne t'abandonnerai jamais".



Je vois une psy. Pour démêler.



Je pense que je dois rester ouverte aux messages éventuels que révèle ou révélera cette expérience. Si je m'en sors vivante bien sûr.